LES TEMPS DU NOVICIAT
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LES TEMPS DU NOVICIAT
Temps temporaire mais indélébile
Le noviciat est un temps où se posent les premiers fondements de la vie consacrée dans la vie d’une novice qui y fait ses premiers pas. Si le premier pas est bien posé, le suivant suivra de la même façon. Pour déterminer cette période « temporaire » , nous emprunterons à l’Évangile une parabole, celle du grain qui tombe en terre en s’y enfonçant et en s’y enfouissant pour y mourir avant d’en ressortir florissant et donnant les fruits qui plaisent à Dieu, dans un processus pascal de croissance et de fécondité (Mc 4, 3 et 8). Également, la parabole du grain de sénevé pour ce qu’il apporte comme connotations de maturation et de croissance étalées sur le temps imparti à cette étape de la vie d’une future religieuse : « Jésus leur proposa une autre parabole : Le Royaume des Cieux est semblable à un grain de sénevé qu’un homme a pris et semé dans son champ. C’est bien la plus petite de toutes les graines, mais, quand il a poussé, c’est la plus grande des plantes potagères, qui devient même un arbre, au point que les oiseaux du ciel viennent s’abriter dans ses branches » (Mt 13, 31-32).
Temps des semis, le postulat
Graine de blé ou graine de sénevé, la candidate entame son entrée dans la Congrégation, dans la foi, l’enthousiasme et l’allégresse du don frais des jeunes primeurs en chantant avec le psalmiste : « Je me suis réjouie quand on m’a dit, nous irons à la maison du Seigneur » (Ps 122). Car quand l’appel de Dieu se fait sentir, il se fait irrésistible et pressant, s’imposant presque impérativement. Captant ses fréquences, elle entre de ce fait dans sa mouvance avec enthousiasme et jubilation en exécutant un saut géant dans le vide. Elle se lance alors dans l’aventure de la consécration, se laissant conduire et porter vers le lieu choisi. Là, elle se laisse surprendre par la nouvelle vie dont elle ignore presque tout. Quand bien même elle en sait des choses de par la période d’apprivoisement qu’elle se serait donnée (comme regardante, aspirante et pré-postulante), le contact direct, entier et durable lui fait vite comprendre, qu’en réalité, elle n’en savait pas grand chose. De l’intérieur, les choses ont un autre impact, une autre dimension, un autre goût.
Temps de l’enracinement, l’entrée au noviciat
Dans la Congrégation : Acceptant la demande officielle de son entrée au noviciat, la supérieure générale accueille la postulante au sein de la Congrégation et la confie aux soins de la maîtresse-des-novices pour qu’elle mène cette aventure dans un cadre dont les contours lui sont précisés au fur et à mesure.
Comme un grain de sénevé que la bonne terre enveloppe avec tendresse et douceur, ainsi se fait l’entrée au noviciat de la postulante. Le grain a besoin d’une terre d’accueil pour prendre racine et pour croître. Cette terre est d’abord la communauté du noviciat qui l’accueille à part entière, au cœur de la Congrégation et en son nom.
En entrant dans la vie religieuse, la novice s’intègre dans un cadre social qui a sa structure, son mode de vie, ses règles, ses us et coutumes, son histoire, ses rituels et sa tradition. Elle entre dans une communauté, sous le regard la Congrégation et de l’Église qui la reconnaît et qui valide sa démarche. Elle cherche à vivre selon le cœur de Dieu en voulant accomplir sa volonté en toute chose. Elle entre surtout dans une structure particulière qu’est le noviciat afin de s’entraîner et de se former à devenir, au fil des jours, fille de cette famille, faisant partie de son histoire, vivant de sa spiritualité, adoptant sa mission et participant à ses projets. Et avec le psalmiste elle répète « Mieux vaut un jour en tes parvis que mille à ma guise » (Ps 84, 11).
Dans la communauté : La grande nouveauté que la novice découvre c’est la vie communautaire qui n’est plus la vie familiale, ni la vie de groupe entre camarades et autres liens parentaux. C’est la vie en communauté, régie par la présence du Christ qui en est le centre, le fondement et la raison d’être.
L’enrôlement dans la vie communautaire, au sein de la Congrégation qui est elle-même partie intégrante de la vie ecclésiale, lui fera comprendre qu’elle est une pierre vivante dans l’édifice de l’Église et que sa place y est unique et singulière avec tout ce que cela implique comme engagement : « Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu par Jésus Christ » (1 P 2, 5).
L’apprentissage de la vie communautaire se fait tout au long du noviciat où la novice apprend à gérer ses relations avec ses sœurs sur le plan humain aussi bien que sur le plan théologal. Et cela jusqu’à ce qu’elle comprenne cette nouvelle réalité pour la chanter avec le psalmiste : « J’annoncerai ton nom à mes frères, en pleine assemblée je te louerai » (Ps 22, 23).
Dans le cœur de Dieu : Au-delà de tout cet investissement humain, social et spirituel, sa relation à Dieu demeure le point fondamental et culminant, car Il reste sa raison d’être, la pierre angulaire sur laquelle elle est appelée à bâtir sa nouvelle vie et sa vie tout entière. C’est en Lui que sa vocation a pris source et c’est à Lui qu’elle sera amenée à revenir sans cesse, posant ainsi sa vie sur des bases solides qui résisteront à toutes les intempéries de la vie.
Temps de l’enfouissement
Mis en terre, ce petit grain est appelé à mourir avant de pousser, de croître, de mûrir et de se développer jusqu’à vouloir devenir un arbre immense. Il en est de même du grain de blé qui, lui aussi, est soumis au même sort s’il veut porter des fruits en abondance (Cf. Jn 12, 24-25). Qu’il soit grain de moutarde ou grain de blé, ils symbolisent tous les deux le cheminement pascal de toute novice en tant que future religieuse, consacrée radicalement au Christ, désirant adopter ses sentiments et voulant se configurer à Lui jour après jour. Planté en terre, le grain est enfoui pour mourir mais aussi pour prendre racine, pour faire corps de toute sa matérialité dans la terre qui l’accueille, pour entrer secrètement avec elle en dialogue silencieux, prometteur de vie.
Dans la maison de Dieu : S’incarnant dans la terre, le grain obéit à une nécessité existentielle. La novice a, elle aussi, une réalité incarnée qui lui donne consistance. Elle a un double enracinement : en Dieu et dans l’environnement où elle est implantée. Ce qui lui vaut un cheminement pascal dynamique qui l’enracine dans l’histoire de sa nouvelle réalité qui va la propulser constamment vers la lumière. Comme le grain planté en terre désire la lumière, ainsi la novice vit tendue vers son avenir, son devenir et son surgissement à la lumière et ceci jusqu’à la plénitude de la vie qui ne finira plus.
« Si le grain ne tombe en terre et ne meurt, il restera seul ; mais s’il meurt, il portera beaucoup de fruit » (Jn 12, 24). Les premiers mois passés, la novice se trouve appelée à entrer plus avant dans cette nouvelle terre, de par les diverses expériences de la vie et de par l’enseignement qui lui est prodigué. Elle commence à s’interroger sur la signification et la portée de ce qu’il lui est demandé. La pudeur et l’hésitation des premiers temps font place à une plus grande assurance qui lui permet de poser des questions, de manifester quelques résistances face à ce qu’il lui est demandé, de montrer sa propre volonté et de vouloir affirmer ses désirs et son originalité par rapport aux autres et particulièrement à l’autorité. Alors commence réellement le véritable apprentissage du juste milieu entre l’autonomie et la dépendance.
L’accompagnement lui est d’un grand support pour pouvoir poser ses questions, manifester sa réprobation, exprimer ses sentiments et les difficultés qu’elle rencontre. La compréhension et l’attention de la maîtresse-des-novices lui sont nécessaires pour pouvoir nommer l’étape qu’elle est en train de vivre, ses difficultés et son bénéfice dans l’ensemble de ce temps qu’est le noviciat. L’enracinement dans la terre ne se fait pas sans douleur, car c’est le début de la mort à une vie antécédente pour qu’elle accède à une nouvelle vie dont elle ignore encore la nature, les tenants et les aboutissants. Toute cette étape est délicate et demande une présence attentionnée et compréhensive de la part de la maîtresse des novices.
Ce contour psychologique est équilibré par une succession de découvertes tant sur le plan intellectuel que sur le plan relationnel, humain et spirituel. L’enseignement régulier au noviciat vient la confirmer dans son désir premier ; dans le même temps, il élargit aussi son champ de vision. Elle est appelée à mobiliser en elle une compréhension intérieure, confortée à un savoir biblique, théologique et spirituel, incarnée dans une congrégation qui a son histoire, sa spiritualité, son charisme fondateur, son apostolat et sa réalité spatio-temporelle.
Au fond d’elle-même, elle commence à nommer les choses tout en découvrant leur place dans son parcours. C’est le temps du début de la construction de son identité religieuse qui se traduit par cette parole évangélique : « Creuse, approfondis et pose les fondements » de ta bâtisse sur le Roc qu’est le Christ (Cf. Lc 6, 48).
À l’école de Nazareth : Dans le giron de la Sainte Famille, la novice se met à l’école de Nazareth. Elle est appelée à y apprendre le filage et le tissage de sa vie en y mettant son cœur et sa volonté avec fidélité et persévérance, en partageant la simplicité évangélique de la Sainte Famille, en apprenant à vivre la sainteté au quotidien tout en aimant la vie cachée en Christ.
En compagnie de Jésus : Ce sera une vie à l’école de Marie, en compagnie de Jésus. La vie au noviciat est une vie de disciple et de discipline, c’est-à-dire de silence, de méditation, de prière, d’entraînement à une suite radicale du Christ à travers une qualité de vie dans le quotidien. C’est ainsi que, dans le mystère caché au cœur de sa vie, la novice sera surprise de voir que ce mystère se développe au fond de son cœur avec ses soins mais aussi à son insu. Car « il en est du Royaume de Dieu comme d’un homme qui aurait jeté du grain en terre. Qu’il dorme et qu’il se lève, nuit et jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment » (Mc 4, 26-27).
L’école de Nazareth est une école de disciples. Celle qui est honorée d’y être, apprendra à éveiller son écoute pour que sa langue devienne une langue de disciple en témoignant de la beauté de la Bonne Nouvelle :
« Le Seigneur m’a donné une langue de disciple pour que je sache apporter à l’épuisé une parole de réconfort. Il éveille chaque matin, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple. Le Seigneur Yahvé m’a ouvert l’oreille, et moi je n’ai pas résisté, je ne me suis pas dérobé » (Is 50, 4-5).
Temps de la croissance « Et Jésus grandissait en taille, en sagesse et en grâce devant Dieu et devant les hommes » (Lc 3, 53).
La croissance en taille : Le temps du noviciat est un temps de découverte de soi dans toutes ses dimensions. C’est un temps très précieux pour se connaître, connaître son identité, ses talents, ses capacités, ses limites, son histoire, son enfance, les portées de son éducation. La novice se découvre et s’émerveille de toute la richesse qu’elle charrie avec elle comme tant de graines qui ont eu le milieu favorable pour percer à la lumière. Car « Y a-t-il un travail plus important que de s’occuper de son âme, puisque c’est la seule chose qui nous revient, la maison où nous venons nous reposer et la terre fertile que nous possédons ». 10
La croissance en sagesse : Le temps du noviciat est le temps où la novice élargit son monde relationnel en l’approfondissant. La communauté est le lieu où elle apprend à s’ouvrir aux autres. Elle apprend à expérimenter l’autre comme différent, à bâtir des ponts de rencontre et à détruire les murs de séparation. Elle apprend les règles saines de la communication et mesure aussi sa capacité à s’adapter à la vie en groupe qui est en l’occurrence la communauté, puis un jour la Congrégation dans ses différentes instances et puis la société d’où elle est venue et où elle retournera autrement. Elle apprend à se mettre à l’école de la sagesse de l’Esprit Saint en se laissant enseigner pour mieux comprendre et pour mieux discerner ce qui est bon, ce qui est bien selon le désir de Dieu. Elle se laisse corriger, redresser et guérir de ses travers qui lui entravent la route et qui l’empêchent d’avancer et de grandir. Car « Le couvent est l’école de la sagesse et l’hôpital de l’âme où elle est appelée à guérir de ses maladies et à trouver le repos ».
La croissance en grâce : Le temps du noviciat est le temps de formation favorable où la novice forge son identité religieuse. Tout au long du noviciat, elle est appelée à fortifier sa vie spirituelle par la prière, la méditation, la fréquentation des Écritures et la manducation de la Parole de Dieu et l’Eucharistie. C’est là qu’elle s’initie à la spiritualité de la filiation en faisant l’expérience de l’amour du Père Bénédiction, Providence et Bienveillance. Elle entre en relation intime avec Jésus, Maître, Seigneur et Ami de son âme. Avec Lui et avec l’Esprit Saint, elle apprend à appeler le Père « Abba !» de tout son cœur de fille de la Sainte Famille.
À l’ombre de la Sainte Famille :
La novice apprend à vivre à l’ombre de la Sainte Famille en s’imprégnant de ses vertus qui sont le silence, la prière, la simplicité évangélique, le partage, le service, l’obéissance de la foi, la disponibilité du cœur, la vie cachée en Christ, l’union intime avec la Trinité.
Pour la plus grande gloire de Dieu et le bien des âmes : « Comme le laboureur s’affaire à travailler le sillon, mon art et ma tâche vont à ses louanges car son amour nourrit mon cœur, pousse ses fruits à mes lèvres » (Odes de Salomon, 16). Au noviciat, la novice apprend que la personne humaine est née pour reconnaître, aimer et louer Dieu. Elle est invitée à entrer dans cette dynamique intérieure et extérieure à la fois, en faisant de sa vie le sacrement de la présence du Dieu vivant. De ce fait, dès son premier pas dans la vie du noviciat, elle est appelée à se laisser imprégner de ce désir d’être à Dieu et de tout faire pour sa plus grande et unique gloire, sachant par là que la gloire du Père c’est le bonheur de ses enfants dont le sien particulièrement. Et avec l’Ode de Salomon, elle répète : « Mes fondations reposent dans la main du Seigneur, car c’est bien lui qui m’a planté. Lui qui a mis la racine, l’a arrosé, affermie, bénie et ses fruits dureront à jamais. Elle s’est enfoncée, a poussé, et s’est élargie. Elle était pleine et a grandi. Au Seigneur seul est la gloire dans sa plantation et sa culture » (Odes de Salomon, 38).
Temps de l’épanouissement
« Heureux les habitants de ta maison, ils te louent sans cesse. Ils marchent de hauteur en hauteur, Dieu leur apparaît dans Sion » (Ps 84, 5 et 8).
L’arbre mûri est appelé à offrir ses fruits aux multitudes et à devenir un refuge pour les oiseaux du ciel. Ainsi la personne qui désire se consacrer à Dieu est appelée à être semblable à cet arbre qui alimente ses racines à la sève du Christ, se laissant émonder par le Père afin qu’elle donne les fruits de l’Esprit Saint en son temps. Le stage lui apprend à devenir ainsi un lieu d’accueil, invitant constamment à un dialogue qui humanise, fraternise et universalise les relations entre les personnes, les cités et les peuples. La fonction du stage n’est que le début d’un chemin qu’elle apprendra à fréquenter par la suite à travers toutes les missions qui lui seront confiées. Elle comprendra tous les jours un peu plus la Parole du Christ qui veut qu’elle porte les fruits abondants du Royaume, parce qu’elle demeure attachée au cep tel un sarment vivant et fidèle : « Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit » (Jn 15, 5).
Temps des prémices, fin du noviciat et préparation à la profession
En faisant la relecture de ses deux années du noviciat, la novice sera conduite à reconnaître la grandeur des merveilles que le Seigneur aura accomplies dans son âme et dans sa vie durant ce temps du noviciat, et depuis avant même sa naissance. Et pour célébrer tout cela, voici qu’elle fait sienne la démarche à laquelle l’invite le livre du Deutéronome : « Voici que j’apporte maintenant les prémices des produits du sol que tu m’as donné, Seigneur » (Dt 26, 10). À l’Autel, le jour de sa première profession, elle rendra grâce pour ses bienfaits et surtout pour la traversée libératrice qu’elle aura accomplie lors de cette étape fondatrice de sa vie. C’est pourquoi elle s’approchera de l’autel où elle offrira sa vie en offrande vivante et sainte à la suite du Christ et par la force de l’Esprit Saint à la gloire du Père (Cf. Rm 12, 1).