La Congrégation des Sœurs Maronites de la Sainte Famille fut fondée le 15 Août 1895, par le Patriarche Elias Hoyek avec Mère Rosalie Nasr et Sœur Stéphanie Kardouche, «pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, pour le bien de l’Eglise et celui du pays».
L’intuition fondatrice
L’idée de fonder une congrégation religieuse féminine, maronite, apostolique, autochtone était omniprésente dans l’esprit du Patriarche depuis le début de sa vie sacerdotale (1870). Cette intuition était née en lui lors de ses tournées dans les villages de sa région natale. Comme pasteur – prêtre d’abord, évêque ensuite – il avait bien vu l’indigence de la famille, surtout en milieu rural, et avait cerné ses besoins urgents dans la société de l’époque.
Pour lui, La nécessité de fonder un Institut religieux constituait une solution importante pour le développement et la réparation du tissu social rongé par le fléau de la corruption, de l’ignorance, de l’analphabétisme et de la pauvreté.
À l’époque, il n’y avait au Liban que des congrégations religieuses apostoliques ayant pour mission l’enseignement et l’éducation dans les grandes villes. Il fallait qu’il y ait une congrégation religieuse féminine, apostolique maronite, qui serait implantée d’abord en milieu rural et dans les villages les plus reculés. C’était une initiative novatrice et prophétique au sein de l’Eglise Maronite.
Le Patriarche Hoyek avait la profonde conviction que c’est sur l’éducation de la jeune fille que repose l’avenir de la société tout entière. Pour lui, la jeune fille, future mère, est le cœur et le pilier de la famille, tout comme la famille est le noyau de la société.
Car pour bâtir une société saine et juste, c’est par la femme que sont élevés les futurs prêtre, gouverneur, maître d’école, laboureur, artisan et commerçant. Il voulait alors pourvoir la jeune fille libanaise d’une éducation basée sur les valeurs humaines, civiques et évangéliques. Par la suite, son attention était portée sur tous les membres de la famille, à commencer par les plus vulnérables d’entre eux : les enfants, les malades et les personnes âgés.
Une rencontre providentielle
Après plusieurs années d’attente et de recherche, le projet du Patriarche commence à poindre en 1893 lorsque, chez son ami le Cheikh Assaf El Bitar, il rencontre providentiellement Mère Rosalie Nasr, sœur libanaise originaire de Kleiat-Kessrouan et sa compagne sœur Stéphanie Kardouche, originaire de Nazareth, venues toutes les deux de Terre Sainte à Kfifane pour y fonder une mission.
Le Patriarche Hoyek expose à Mère Rosalie Nasr son projet auquel elle consent à condition que son transfert de sa congrégation soit reconnu et validé par l’Eglise.
Après avoir accompli les démarches canoniques auprès du Patriarche latin de Jérusalem auquel elle était affiliée, le Patriarche Hoyek convoque Mère Rosalie et lui dit : « L’heure de la Providence a sonné. Il est temps de répondre à Sa volonté et d’entreprendre l’œuvre qui nous est confiée en faisant sortir notre projet de la puissance à l’acte. Puisons notre force auprès du Très-Haut et appuyons-nous sur Celui qui n’avait pas où reposer sa tête. Osons l’entreprendre sans relâche ».
Et Mère Rosalie de lui répondre :
« À nous d’être disponibles ; à la Sagesse divine de disposer et à sa Toute-Puissance d’accomplir. Où pourrions-nous nous installer ? Y a-t-il un endroit où loger dans l’immédiat ? ».
Premier logis, messe de fondation
Le Patriarche Hoyek met à la disposition de la petite communauté un petit couvent dans la plaine de Byblos-Jbeil. C’est le premier « logis » dont Mère Rosalie reçoit les clés le 12 août 1895. Le 15 août 1895 a lieu la messe de fondation. Depuis cette date, la fête de l’Assomption est devenue la fête patronale de la Congrégation.
« La Sainte Famille est son nom »
Le Fondateur confère le nom de La Sainte Famille à la jeune Congrégation, convaincu que la sainteté de ce nom poussera ses filles les religieuses à se configurer à l’esprit de la Sainte Famille et à répandre ainsi Ses vertus autour d’elles. La Sainte Famille sera ainsi le plus bel exemple à suivre par toutes les familles libanaises. Ainsi une société saine et solide sera construite. Car d’après lui, les vertus de la Sainte Famille de Nazareth « édifieront les foyers, garderont les familles et préserveront la société de toute corruption ».
Vers une nouvelle destination
À peine fait-elle ses premiers pas que la première communauté est obligée de déménager. Le bâtiment s’avère vite insalubre et inhabitable, ce qui oblige la Fondatrice à chercher un autre « logis ».
Avec l’approbation du Fondateur, Mère Rosalie achète à Ebrine quatre caves qui nécessitent une restauration. Elle y emménage fin septembre 1896, soit un an après la fondation. En 1898, la Congrégation alors compte huit novices, quatre postulantes et trois aspirantes, avec une école à Amchit et une autre à la future Maison Mère de Ebrine.
La grande épreuve
Quatre ans se sont à peine écoulés dans le dur labeur de fondation qu’une grande épreuve vient frapper la jeune Congrégation : le martyr de la Fondatrice. Cette épreuve survient la nuit du 22-23 août 1899 lorsqu’une jeune fille « malade », renvoyée pour inadaptation à la vie religieuse, vient la tuer à coups de couteau. Par une nuit chaude de pleine lune, connaissant les accès du petit couvent, elle se dirige vers la chambre de la Mère au rez-de-chaussée, y entre par une fenêtre ouverte, s’approche de son lit et la poignarde en plein cœur. Mère Rosalie ne tarde pas à rendre l’âme. Nombreux ont pensé que sa mort porterait un coup fatal à la jeune Congrégation, mais la Divine Providence veillait sur elle. Cette épreuve n’a fait que l’affermir en lui donnant une plus grande fécondité dans sa mission, selon la foi et l’exhortation du Fondateur lui-même.
La relève
« La Congrégation est un projet divin et non voulu par une volonté humaine, prenant appui sur la Providence divine, elle persistera tant que Dieu le voudra », « elle est le champ qu’Il cultive et l’édifice qu’Il construit. C’est Lui qui l’a fait croître et l’a préservée… et c’est Lui qui la préservera et la bénira… C’est à Lui que revient cette Œuvre…»,avec ces paroles le Fondateur relance la jeune Congrégation après la douloureuse épreuve qu’elle vient de subir.
Le 30 août 1899, une semaine après le décès de Mère Rosalie, le Fondateur désigne comme Supérieure sœur Stéphanie Kardouche, compagne et fille spirituelle de la Fondatrice. Touchant à peine la trentaine, Stéphanie, dont la devise a toujours été « Mon Dieu et ma Congrégation ! », se met aussitôt au travail avec la certitude que ni le cultivateur ni l’arroseur ne sauront faire croître le jeune plant de la Congrégation et que c’est Dieu seul qui lui donnera vie.